POP? (2005)

26 octobre 2005

Résumé :

Pop? se veut un projet de création pure, un terrain organique de création pure autour de l’amour – désir, frustration, solitude, idiotie …

Pas de pièce dans Pop?, mais des départs de textes, d’images, de sons comme autant de points d’achoppement se glissant comme des nécessités à l’intérieur du parcours des acteurs et de leurs créativités.

Pop? reconnaîtra à la représentation son statut d’instrument anti-logique où l’auto-contradiction acquiert un droit de vie. Elle sera éphémère, évanescente, polysémique, ubiquitaire et idiosyncrastique. Sera-ce Pop ?

Pop?, c’est aussi l’occasion de poser un acte de résistance en oeuvrant sur une démarche introspective de l’intime à l’heure où la socioculture d’une part et la télé-réalité d’autre part trustent le secteur artistique. Un acte de résistance aussi dans le fait de réunir sur le plateau 17 acteurs.

Dans Pop?, il y a la pensée permanente que « je » est aussi un autre et que nous sommes aussi les enfants d’époques consécutives. Que nous voulons transmettre de la beauté et parler de la mort des idéologies sans en être victimes. Que nous avouons aimer ce que nous critiquons et que nous nous reconnaissons dans les extra-terrestres en mal d’amour de Kristeva .

Dans Pop?, les acteurs/personnages apparaissent comme des vérificateurs de réalité mais dans la représentation se joue l'étrange rapport que la fiction entretient avec le réel. La réalité repose sur une croyance qui, dès qu'elle est interrogée, peine à trouver un fondement, mais qui si elle n'est pas assumée se transforme en pathologie. Partant de ce même constat de la fragilité de la croyance perceptive, Merleau-Ponty écrit dans «Le Visible et l'invisible»: «Entre les choses et moi, il y a désormais des pouvoirs cachés, toute cette végétation de fantasmes possibles que mon corps ne tient en respect que dans l'acte fragile du regard».

Pop? sera un parcours dans la végétation des fantasmes possibles, une exploration des glissements – du témoignage à l’aveu de soi, de l’acception d’une croyance de la réalité à son conditionnement à haut risque …

Pop? pourra être un théâtre qui se nourrit d’une imagerie triviale et commerciale, tirée des bandes dessinées, des photos de presse, des clichés sur les stars de cinéma, des affiches, des produits comestibles en carton et en plastique, de la variété internationale, des icônes gay, de la trash-tv, des séries z, des films d’horreurs, des comédies romantiques, des blockbusters, des séries tv …il laissera apparaître l’humain dans son lyrisme coloré.

Pop? doit faire monde, planter un univers, dresser un tableau de la possibilité de l'existence ou de la non-existence des choses.En soi, Pop? sera une position délibérément acritique qui replace l’humain au centre du théâtre mais le théâtre au centre de la société de consommation

Crédits :

Concept, écriture et mise en scène: Armel Roussel// Ecriture et Jeu: Shila Anaraki, Karim Barras, Yoann Blanc, Eric Castex, Bernard Graczyk, Julien Jaillot, Julie Jaroszewski, Sofie Kokaj, Pierre-Alexandre Lampert, Denis Laujol, Nicolas Luçon, Estelle Marion, Pierre Megos, Florence Minder, Vincent Minne, Sophie Sénécaut, Baptiste Sornin// Assistanat à la mise en scène: Yoann Blanc, Julien Jaillot// Lumière: Patrice Lechevallier// Musique: Pierre-Alexandre Lampert// Vidéo: Philippe Baste// Costumes: Mina Lee

Un spectacle de Utopia 2 en coproduction avec le Théâtre Varia, Centre dramatique de la Communauté française Wallonie-Bruxelles et la Maison de la culture de Bourges, Scène nationale/Centre de créations et de productions. Avec l'aide de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, Direction générale de la Culture, Service du Théâtre. Avec le soutien de la Commission Communautaire Française et du CGRI

Presse 

Sans histoire, cent histoires. Très écrit, très mis en scène mais très libre, très collectif mais très personnel, très pailleté mais très sincère « Pop ? » pour populaire : l’humain est-il populaire ? ce qui est populaire appartient-il à la télévision ? Et pour Pop Art, pour tout l’art – son histoire d’hier, son aujourd’hui, de la peinture à la performance – qui infuse dans le spectacle, de Bacon avec un visage peint traversant un écran à Abramovic et sa litanie des « bye bye ». Et un point d’interrogation pour toutes les questions qu’il contient. Et qui tournent, essentiellement, autour du théâtre et de la vie, du lien qu’ils entretiennent, de la transmission, de la reproduction (du même sur scène soir après soir ; des humains qui font des enfants), de l’identité, du passage de témoin, des parents qu’on a ou qu’on avait et des parents qu’on devient, des masques que l’on porte et de ceux que l’on rejette, de la consommation, du pire et du meilleur, du temps qui passe et qu’on gagne ou qu’on perd, de la solitude et de ce qu’on en fait, de la société et du rôle qu’on y joue, de l’amour, de la douleur, de ce en quoi on croit, ou pas, de l’exposition de ce que l’on est, ou pas, de la pensée, de l’action, de la provocation, du silence, du monde qui nous entoure et de notre façon de le regarder. De comment mettre tout ça sur un plateau. C’est le pari de « Pop ? », de ses 17 comédiens et d’Armel Roussel. Le metteur en scène a renoncé ici à la littérature de théâtre, pour plonger dans une matière dense et fluide, qu’ont forgée les acteurs-auteurs ensemble, au fil d’ateliers, de discussions. Matière pourtant très écrite dès lors qu’elle doit se livrer. Matière libre aussi, et mouvante, et vibrante, et multiple, d’une pièce sans histoire, ou aux cent histoires, c’est selon.

Multipistes : Télescopage de personnalités, succession de tableaux, imbrication d’univers, « Pop ? » déborde de détails, fourmille de pistes. On emprunte celles qu’on veut pour se frayer un chemin dans cette non-narration. C’est le sens de la recherche d’Armel Roussel : « Qu’une même proposition provoque une multitude de réactions. » Ici du rire, là une gorge serrée, ailleurs une vive émotion esthétique, un brin de dégoût, des tendresses fugaces, parfois même un peu d’agacement. L’unanimité n’existe pas ici. Ne peut pas exister. Selon le principe qu’Armel aime et appelle « antisuccès » comme on parle d’antihéros. « On a enlevé toute notion déplaire ou de déplaire », assure-t-il d’ailleurs, de pair avec la volonté d’un spectacle « pur, sincère », avec la conviction que « Pop ? » est le spectacle « le plus dangereux, étrange, sensible » qu’ait réalisé la compagnie Utopia. Le plus personnel aussi, pour le metteur en scène , alors même que sa genèse et son résultat doivent tant au collectif. Shila Anaraki, Karim Barras, Yoann Blanc, Eric Castex, Bernard Graczyk, Julien Jaillot, Julie Jaroszewski, Sofie Kokaj, Pierre-Alexandre Lampert, Denis Laujol, Nicolas Luçon, Estelle Marion, Pierre Megos, Florence Minder, Vincent Minne, Sophie Sénécaut, Baptiste Sornin, diversement présents, se livrent avec générosité, humour, patience et passion à cette aventure singulière. Où des poissons rouges sont sauvés de justesse de l’asphyxie, où des paroles d’enfants en vidéo balisent les scènes, où l’on administre une leçon de provocation, « noble » ou « gratuite », où un poulpe gluant devient perruque magnifique, où un démon triste grelotte sous la neige, où l’on boit les larmes d’une vie, où une matraque bat la mesure de ces vies ordinaires et démesurées, réelles et fantasmées. –Marie Baudet In La Libre Belgique, 01/10/05

Un remix flippé de notre société

Armel Roussel n’aime pas le mot « zapping ». Il le dit dans le dossier de presse de « Pop ? », son dernier spectacle à l’affiche du Théâtre Varia, à Bruxelles. Nous parlerons donc de « mix » tant la déferlante d’images qu’il nous propose se rapproche de la prestation d’un DJ mixant ses vinyles d’une platine à l’autre. Des couches et des couches d’impressions se chevauchent pour jeter un regard flippé sur notre société. Avec « Pop ? », Armel Roussel clôt la trilogie « Body Building », après « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » et « Hamlet, version athée ». Bel exemple de l’énergie mutante de son collectif Utopia II, la création de cet auteur et metteur en scène confirmé remet en selle certains de ses acteurs fétiches et en invite d’autres pour plancher sur un spectacle tout-terrain. Une aventure où chacun jette dans le feu de la création le petit bois de ses expériences. Poursuivant la recherche d’un théâtre d’interpellation, audacieux et déconstruit, les 17 acteurs du collectif se débarrassent du texte pour transformer le Varia en « planche à réfléchir », et amidonner nombre d’interrogations sur le monde, la politique ou la famille. Leur terrain de jeu ? Un plateau blanc comme une page vide, encadré de 17 lits surélevés cachant autant de petites loges improvisées. Pop, c’est la musique, l’art populaire. Mais c’est aussi le bruit d’une bulle qui éclate, comme ces images qui éclosent à la pelle, dotées de leur pleine autonomie, sans lien conducteur, dans un défilé de costumes loufoques et de couleurs vives à vous donner le tournis. Spectaculaires, drôles et jetables, comme les tableaux du pop art dont le spectacle s’inspire, les scènes, saugrenues ou carrément destroy, composent un univers trash mais sophistiqué, baigné de l’esthétique hyper soignée d’Armel Roussel. Dans une orgie d’hémoglobine et de nudité (un peu facile), la pièce emprunte aux formes débraillées du body art, aux symboles à gros sabots de la Star Ac’, ainsi qu’aux références les plus populaires d’une culture écrasée par le géant américain, de Darth Vador à Michael Jackson. Les acteurs se prêtent aux jeux les plus loufoques avec une énergie compulsive et une ironie décomplexée. Un prédicateur au charisme américain nous parle de Jésus, du doute et de la vie après la mort (« Je ne sais pas si j’y crois, mais au cas où, je prendrai un slip d rechange »). Un conférencier grossier se lance dans une énumération hilarante des différents styles de provocation, preuves vivantes à l’appui. Des clients hypnotisés déambulent derrière leur caddy autour d’une jeune fille agonisant dans des spasmes de poisson rouge hors de son bocal. Ce raz de marée de message plus ou moins évidents, sur l’identité, les fantasmes, la transmission ou la reproduction, émettent quantité de signaux. Au spectateur de les décrypter. – Catherine Makereel In Le Soir, 04/10/05

Java

Lorsque vous fermez les yeux, comment voyez-vous le monde? Et comment vous voyez-vous dans ce monde? Vous sentez-vous créateur de vos pensées ou conditionné comme un petit pois dans une boîte?

Sur le plateau du Varia, 17 comédiens, fils et petits-fils naturels des artistes dadaïstes captent et capturent les pulsations de cette société qui nous consomme. Tableau vivant construit à la manière d'un collage "pop art", ce spectacle éclaboussé par la vie, résonne comme un cri. On sort de là chaviré, inquiet, transpercé. Avec des images et des échos, beaucoup d'échos. Le théâtre vu et conçu comme ça, on en redemande!

Interview d'Armel Roussel :

Comment as-tu développé l’esthétique de Pop ?

Il y a toujours un aspect assez visuel dans les spectacles que j’ai pu faire et d’autant plus dans celui – ci. L’image n’est jamais le point de départ mais bien le point d’arrivée. On travaille sur différents axes, différentes questions et de là se dégage une esthétique qui forme l’image, mais ce n’est pas un travail sur l’image. Il y a une esthétique affirmée mais pas pour chercher à faire beau. Je suis davantage intéressé par le sujet de la proposition ou par l’émotion qui peut en passer. (…)

La question du regard est importante. Elle est liée à comment on regarde le monde et comment on se regarde soi dans le monde. Le spectacle étant construit sous forme concentrique, ce regard au monde passe par une série de maillons. À travers ces maillons se pose la question de la transmission, de l’héritage. À l’intérieur de ce système concentrique, on se demande comment on, peut être père de , fils de ? Vient aussi la question de la reproduction.

Ça me fait rire cette question de reproduction qui est présente dans Pop ? et présente sous toutes ses formes : la procréation mais aussi la reproduction comme la sérigraphie d’un certain nombre de figures comme dans le pop art. Egalement la reproduction de la représentation : on a inclus dans le spectacle un quart d’heure qui ne sera jamais deux fois le même ; les acteurs eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils vont jouer, ils savent ce qu’ils vont faire mais ils ignorent ce que les autres ont préparé, ce qu’ils vont dire, quand ils vont rentrer et c’est la seule partie qui concerne à proprement dit le théâtre dans le théâtre.

Une surprise sera préparée chaque soir, elle aura lieu en représentation et comme toute surprise ce sera une surprise pour tout le monde. Donc qu’est-ce que c’est que reproduire au théâtre ?

Un des credos du pop art est de fonctionner sur la possibilité que la vie rentre dans l’art et l’art rentre dans la vie. Cette notion-là se retrouve dans le spectacle y compris pour les spectateurs. Ils vont sans doute se dire, à un moment, que les acteurs ne jouent pas, que rien n’est joué et en même temps c’est quand même du théâtre. Ainsi cette notion de populaire est présente, dans le sens où on arrive à se demander si l’humain est populaire ; ce qui en soit peut paraître une question absurde mais c’est une question intéressante.

Passer au crible la société, d’où s’interroger sur son art ?

Interroger sa propre pratique, oui, dans la mesure où réunir 17 acteurs et leur dire nous n’aurons pas de texte, nous n’aurons que des questions, où cela va-t-il nous mener ? Ces questions partent de trois vers de Baudelaire et peuvent paraître très bêtes : quelles histoires se racontent-on dans son lit pour dormir quand on est seul ? En quoi croit-on ? Qu’y a-t-il après la mort ? Qu’est qui nous empêche d’être nous-même ? Donc la question du masque, d’avancer masqué dans la vie. Le rapport au théâtre est passionnant par rapport à ça et à partir de ce moment là, il s’agit de trouver non pas la narration mais davantage une expressivité ou une expression de ce trouble qui nous empêche d’être nous-même pour en offrir des situations, des propositions, des petits bouts de textes, des regards, des images, des sons qui seraient des transfigurations de cette question–là.

Tu remercies pour l’inspiration quelques plasticiens contemporains

Ce que j’aime dans l’art contemporain, c’est une manière de capter un moment, une époque avec une économie de moyens terribles. Par rapport à Pop ? c’est intéressant parce que ça se passe du verbe. Certaines images en disent plus long que certains discours. Je me méfie du terme « faire de l’image » et il n’y a pas besoin de parler tout le temps. Les paroles viennent par bribes, de façon découpée, pas sur une narration. L’intervalle de silence entre deux phrases est tout aussi important que ce qui est dit. Le sens ne provient pas de ce qui est raconté, il provient autant du silence que de ce qui est proféré. (…)

D’où provient cette façon de travailler sur le fragment ?Je n’aime pas les histoires quand elles justifient les choses. Je préfère tout ce qui échappe, je ne refuse jamais quelque chose que je ne comprends pas et je n’aime pas que le théâtre soit rassurant. Le théâtre doit être le lieu de la déstabilisation de quelque chose. Les pièces que j’aime bien sont elles-mêmes déjà un peu fragmentées. (…)

Je déteste le terme de zapping. Je fais beaucoup plus une recherche de travail sur l’inconscient ou sur la dimension de rêve ou de cauchemar éveillé. C’est un travail psychanalytique. La dimension d’inconscient est présente. J’aime quand, tout d’un coup, je suis ému ou je ris alors que je ne sais pas pourquoi et j’essaie de construire des spectacles qui provoquent ça. J’ai horreur des salles de théâtre où tout le monde a la même réaction. Le théâtre n’est pas un art de masse, son seul intérêt est de s’adresser à chacun individuellement. C’est une notion sur laquelle je reviens toujours avec les acteurs : le public n’est pas une masse, c’est une somme d’individus. J’aime bien l’idée que chaque spectateur réagisse complètement individuellement en fonction de sa propre histoire. La narration n’est jamais qu’à l’intérieur de chacun des spectateurs. Chacun se raconte ce qu’il veut sur ce qu’il voit et surtout chacun réagit avec chaque propre histoire, en fonction de sa journée.

Une des plus grandes satisfactions pour moi, c’est de voir les spectateurs avec des réactions diamétralement opposées. Ce qui fait rire une personne, fera pleurer une autre personne, ennuiera une autre, agacera une autre, mettra en colère une autre et finalement avec la même chose on provoque une multitude. Ce n’est pas très populaire. Ça n’encourage pas les gens à se taper sur les cuisses tous ensemble et tout le monde ne sort pas en disant « oh comme c’était formidable, on est tous d’accord ». C’est plus exigeant mais je crois que ça a l’avantage de s’adresser à chacun comme il veut.

Extraits d’une Interview réalisée le 20 septembre 2005, par Jeannine Dath

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