Nominé meilleur spectacle au prix de la Critique théâtrale 2009
Si demain vous déplaît…est un spectacle « total », où le plateau n’est pas une scène figée mais un lieu ouvert, mouvant, mutant, qui confronte le théâtre et la danse, le singulier et l’universel.
Si demain vous déplaît… est un objet sensible qui tente dans un premier temps, que nous nommons "comédie silencieuse", de fixer le réel à l'oeil nu en explorant tout ce qui crée des empêchements dans nos vies, puis dans un deuxième temps, que nous appelons "tragédie musicale", d' offrir le lieu d'une évasion et tenter quelques utopies énergétiques et visuelles.
Si demain vous déplaît… approfondit les thèmes et questions chers à Armel Roussel, tout particulièrement ceux du temps, de la recherche du bonheur, de la liberté et de l’oppression. Le travail est axé autour de plusieurs questions : Que sont le bonheur, la grâce, la félicité ? Que serait notre monde si les notions de honte et de culpabilité n’existaient pas ? Atteindrait-on la libération qui mène au bonheur ou serait-ce la porte ouverte à la barbarie ? Peut-on espérer une société idéale (un bonheur communautaire) sans tomber dans la terreur fasciste ou le chaos ?
Dans une boîte blanche qui se craquèle pour finir par exploser sous la colère d’un enfant, une dizaine d’acteurs explorent de manière quasi mathématique les visions du bonheur qui existent parmi toutes les couches socioculturelles de notre société. La boîte de Pandore pulvérisée laisse surgir une vision paradisiaque rythmée par les sons d'un Divin DJ : le plateau livrera alors tous les remous qu’implique une société « heureuse à tout prix ».
Armel pousse plus loin sa recherche de connexion entre l’acteur, le personnage et le spectateur : les acteurs travaillent dans un rapport brut au plateau en jouant de l’instantanéité de la représentation, tout comme ils peuvent s’abstraire d’un rapport frontal avec le public et s’inventer un « quatrième mur ». Avec ce projet, Armel désire toucher à l’immatérialité et la beauté avec un théâtre vivant, jouissif, où des êtres humains envahissent le plateau pour porter une réflexion et une parole. Si demain vous déplaît… est un spectacle conçu comme une expérience sensible pour tous, acteurs et spectateurs, réunis dans un espace composé en deux temps comme les deux parties d'un cerveau.
Mise en scène, écriture et scénographie : Armel Roussel //Assistant à la mise en scène : Julien Jaillot //Lumières: Patrice Lechevallier//Son: Brice Cannavo//Musique live: Karim Barras//Chorégraphie: Pascal Merighi//Conseillère aux Costumes: Mina Ly//Conseillère aux coiffures: Zaza da Fonseca//Jeu : Karim Barras, Yoann Blanc, Lucie Debay, Sofie Kokaj, Mathilde Lefèvre, Nicolas Luçon, Pascal Merighi, Florence Minder, Vincent Minne, David Murgia, Uiko Watanabe
Un spectacle de Utopia 2 en coproduction avec le Théâtre Varia, Centre dramatique de la Communauté française Wallonie-Bruxelles et le Théâtre de la Place, Centre dramatique de la Communauté française Wallonie-Bruxelles – Centre Européen de création théâtrale et chorégraphique. Avec l'appui de l'Agence Wallonie-Bruxelles Théâtre/Danse.
Après avoir abordé des auteurs ( Koltès, Barker, Tchekhov, Shakespeare…), avoir écrit une pièce « Artefact (Sit./com)»* ( mise en scène par Karim Barras ), après avoir exploré la création collective avec Pop ? , cette fois Armel Roussel a écrit la partition et conçu la scénographie de Si demain vous déplaît
Armel Roussel : J’ai essayé de nouvelles choses dans la manière de traiter des sujets qui me sont chers (la recherche du bonheur, la beauté, les utopies…). Rarement les choses ont été clairement aussi dites que dans ce spectacle, à ma manière, celle de l’énonciation d’une réflexion politique. La dramaturgie est plus lisible que sur de précédents spectacles. Pour la première fois, j’ai abandonné des choses, notamment, ce qu’on nomme la provocation. Je me suis efforcé qu’il n’y ait pas de nudité dans le spectacle. Je donne des réponses autrement. C’est plus mature, plus fin, précis. Chaque mouvement est pensé. Je propose un objet concentré, qui va à l’essentiel. J’ai cherché que ça reste une aventure, une expérience pour les spectateurs.
S’il n’y a pas de personnages, si chaque acteur joue tout en gardant son prénom sur scène, chacun est porteur de questions relatives à notre monde d’aujourd’hui.
Armel Roussel : Chaque acteur est associé à un champ de recherche spécifique. Ensemble, ils forment une sorte de société monde. L’ensemble traite autant du politique, du sacré, de la science que du quotidien ou de l’amour.
Les questions posées sur nos mythologies contemporaines, sur notre aujourd’hui tiennent autant de la société dans sa globalité que de l’intimité.
Armel Roussel : J’ai voulu interroger notre impuissance, nos empêchements… Est-ce que nous nous en empêchons ? Ou est-ce là où l’on nous met qui nous en empêche ? Est-ce le mode de fonctionnement de notre société ou nous-mêmes ?
La figure centrale du spectacle est l’adolescent. Tout converge autour de lui. Il commence le spectacle et clôture la première partie. La première partie, ce sont des questions. J’ose davantage émettre des réflexions, des possibles que dans mes précédents spectacles. La deuxième partie porte sur les utopies. Nous sommes devant une forme de faillite personnelle. Comment se fait-il qu’il y ait une insatisfaction? Pourquoi est-ce difficile de la déterminer ? Il y a quelque chose qui ne va pas.. Ainsi l’adolescent sert d’interrogateur car c’est quelqu’un d’avant la résignation. Il est à une période où on peut penser le monde et où on n’en est pas encore un membre actif même si on est déjà un gros consommateur.
La première partie est une comédie silencieuse dans laquelle on fixe le réel à l’œil nu en provoquant un décalage ; la seconde une tragédie musicale qui ne propose pas un futur. Elle tient du rêve, elle pose la question : que pourrait-on faire aujourd’hui pour aller mieux demain ? Stylistiquement, on peut dire que la première partie concerne le cerveau gauche (plus mathématique) et la seconde le cerveau droit ( plus baroque). Elles ne sont pas à voir en opposition, elles forment un tout. C’est un spectacle post post-soixante-huitard, loin du cynisme, qui vise à redonner le goût.
Entretien réalisé par Jeannine Dath, mai 2009.