Roberto Zucco (1996)

27 octobre 1996

Résumé :

Roberto Zucco, un trajet invraisemblable, un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force, abattus finalement par un caillou ou par une femme. B-M. Koltès

Roberto Zucco fait partie des textes les plus dramatiquement structurés de l'ensemble de l'oeuvre de Koltès. Pas aussi littéraire que Dans la solitude des champs de coton, mais comme Quai Ouest, Combat de nègres et de chiens, Retour au désert, un texte constitué d'une multiplication de tableaux, de situations, de scènes collectives. A la lecture de Roberto Zucco (dernière pièce de l'auteur inspirée d'un fait réel : la déroute d'un serial-killer du nom de Succo), nos sensations se font plus immédiates, vives et saccadées. Elles nous empêchent de présager de ce qui leur succédera.

La pièce est emmenée par une logique de discours parfois mystique, fantasmagorique, allégorique, émanant cependant de personnages concrets à l'extrême. Roberto Zucco traite de l'incommunicabilité entre les êtres. Les personnages sont tous des êtres de solitude dans des situations d'affrontement violent. Les personnages se racontent beaucoup plus qu'ils ne se parlent. Ils ne portent pas de noms, ils sont simplement définis par leur statut familial ou social : La mère, le frère, la dame élégante, etc.... Un seul porte un nom, Roberto Zucco, ce qui en fait un marginal doté d'une identité qu'il va perdre au fur et à mesure de la pièce jusqu'à l'oubli total, jusqu'à la mort.

L'une des thématiques principales développées dans Roberto Zucco est la perte d'identité. Koltès explore cette notion aléatoire: " Qui sommes-nous et quelles traces laissons-nous de notre histoire ? ". Zucco a grandi dans une culture où l'on accepte et sans la moindre objection que soient exercées la violence et la destruction quand c'est pour le bien de son peuple ou au nom du progrès. Situation ô combien schizophrénique puisque violence et destruction tombent sous le coup du jugement moral et par là même deviennent tabous. Il ne s'agit donc pas de morale mais de domination.

Le texte de Koltès dépasse le stade de la morale en ignorant le bien et le mal pour s'intéresser au laid et au beau. Ce qui est intéressant dans le personnage de Zucco, ce ne sont pas les aspects pathologiques mais le fait qu'il soit un assassin sans raison. Zucco renvoie à la société la responsabilité des crimes qu'il commet.

Le propos d'Utopia est de donner à Zucco sa force mythique, de peindre à travers lui la fresque de notre monde absurde, de n'innocenter personne mais de montrer l'innocence.

Crédits :

De Bernard-Marie Koltès

Mise en scène Armel Roussel

Avec Karim Barras, Eric Castex, Anne Delatour, Stéphanie Delcart, Fanny Marcq, Vincent Minne

Interview d'Armel Roussel 

Résumer Roberto Zucco serait ramener la pièce à un banal fait divers. Raconter l'histoire, c'est la réduire, car Zucco porte de l'impalpable, de l'intuitif, de l'irracontable. Koltès dit de Zucco qu'il est un héros mythologique, comme Samson ou Goliath, vaincu par une femme ou par un caillou. Or Koltès s'est inspiré d'un fait divers réel : le cas du tueur Roberto Succo, avec un S, qui, à dix-neuf ans, tua ses parents puis cinq personnes, avant de se suicider, à 26 ans au pénitencier de Vicence, en 1989.

Nous avons cherché à nous débarrasser de toute forme de réalisme dans un parti-pris de mise en scène où, le théâtre, la danse, la vidéo, la musique, font partie intégrante de la dramaturgie. Le point de référence n'est plus la réalité mais les images que l'art et les médias forment de celle-ci : une multitude de signes comme autant de métaphores des flots médiatiques qui nous submergent. Chez Koltès, les personnages apparaissent comme des archétypes. Dans le spectacle, ils sont modelés sur des figures fantasmatiques.

Chacun est simplement défini par son statut familial ou social : la Mère, le Frère, la Dame élégante, le Commissaire. Un seul porte un nom, Roberto Zucco, ce qui en fait un marginal doté d'une identité, qu'il perd au fur et à mesure de la pièce, jusqu'à l'oubli total, jusqu'à la mort. Roberto Zucco devient ainsi, et avant tout, un spectacle sur l'identité et la perte d'identité. Tout au long de la pièce, Koltès explore cette notion aléatoire : qui sommes-nous et quelles traces laissons-nous de notre histoire ? Qand on l'arrête, Zucco a oublié son nom et n'aura dès lors d'autre identité que celle de ses actes. A la question " Qui êtes-vous " il répondra " Je suis le meurtrier de mon père, de ma mère, d'un inspecteur de police et d'un enfant. Je suis un tueur. " Silence sur lui.

Le texte de Roberto Zucco ne doit pas être dit mais célébré. Car sans être un héros, Zucco est le symptôme de notre malaise. Roberto Zucco est un feu de détresse qui nous implore de rester une société d'hommes et de femmes à visages humains.

[e]utopia / Armel Roussel

Rue du Sceptre, 78 - 1050 Bruxelles - Belgique
N° entreprise: 0451.262.113
[e]utopia est une compagnie subventionnée par la Fédération Wallonie/Bruxelles – Service Théâtre.
[e]utopia est en résidence administrative au Théâtre Varia. Armel Roussel est artiste associé au Théâtre Varia à Bruxelles et au Théâtre du Nord à Lille.
Copyright © 2024 - [e]utopia - Privacy policy - Made by Artimon Digital
.
linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram